chaos
Systèmes non-uniformément hyperboliques

La théorie de Smale des dynamiques hyperboliques a eu un double role : d'une part elle à mis en évidence que des systèmes simples, sur des espaces de dimension petite, pouvaient avoir un comportement dynamique chaotique, et ceci de façon persistante. D'autre part les dynamiques chaotiques qui apparaissent dans cette théorie admettent une descrition complète, en particulier du point de vue de la théorie ergodique.

 La théorie de Smale a cependant un défaut essentiel : l'ensemble des dynamiques hyperboliques n'est pas dense dans l'ensemble des difféomorphismes ou des flots, et ce dès la dimension 3 pour la topologie C1.

Un problème essentiel est alors :

Problème Peut-on donner une description satisfaisante de la dynamique  d'une partie dense dans l'ensemble des difféomorphismes?
 

Les résultats dans ce sujet sont encore très partiel.  Mon approche s'intègre dans celle d'un groupe de chercheurs (Lorenzo Diaz, Marcelo Viana, Enrique Pujals, Martin Sambarino, Raul Ures....et bien d'autres) centrés sur l'IMPA (Rio de Janeiro)  et autour de Jacob Palis. Nous avons  suivi plusieurs pistes qui ont récemment trouvé leur cohérence:

D'une part, avec Lorenzo Diaz et Enrique Pujals, nous avons  mis au point (à travers des exemples, puis de façon conceptuelle) un cadre géométrique (plus faible que l'hyperbolicité) permettant  de couvrir une partie générique de l'ensemble des dynamiques.  D'autre part, avec Marcelo Viana, nous montrons comment ce cadre géométrique permet de donner une bonne description de la dynamique, à l'aide de la théorie ergodique.

 Dans cette page, sans doute trop technique et donc réservée aux spécialistes, j'essaye de présenter mes propres travaux dans ce domaine.
 

Etude géométrique

Avec L. Diaz et  E. Pujals, voir l'article 33, nous montrons qu'en dimension quelconque, il existe un sous-ensemble de Diff1(M), résiduel ( intersection dénombrable d'ouverts denses) pour la toplogie C1  pour lequels la dynamique présente une dichotomie de comportements possible: loin de l'adhérence des ensembles infinis de sources ou de puits, la dynamique est concentrée sur des ensembles possèdant un affaiblissement de l'hyperbolicité, appelée décomposition dominée . Pour les surfaces compactes, R. Mané avait prouvé une telle dichotomie générique, entre infinité de puits et de sources, et  hyperbolicité: notre travail est tout-à-fait dans le même esprit.

L'un des points-clés qui nous a amené vers ce résultat a été  la compréhension des difféomorphismes robustement transitifs c'est à dire que tout difféomorphisme suffisamment C1-proche  possède une orbite dense. Le résultat de Mané sur les surfaces impliquait que les seuls difféomorphismes robustement transitifs des surfaces sont les difféomorphismes d'Anosov du tore T2. L'existence d'exemples de difféomorphismes robustement transitifs non-hyperboliques (construits dans les années 70  par Shub puis Mané sur les tores T4  et T3 respectivement) interdisaient une généralisation directe de ce résultat, en dimension plus grande.

Avec L. Di az  puis avec M. Viana  nous avons construit de nombreux  exemples de difféomorphismes robustement transitifs s'éloignant de plus en plus de l'hyperbolicité pour finalement ne conserver que la décomposition dominée.

Théorème Tout difféomorphisme robustement transitif d'une variété compacte M possède une décomposition dominée.
 

Enjeux pour l'avenir

Les résultats ci-dessus ne font que commencer la description d'une partie dense de  Diff1(M) , en montrant l'existence d'une décomposition dominée. En effet, si la dynamique  d'un difféomorphisme, en restriction à un ensemble hyperbolique est bien comprise, on sait très peu de chose si l'on remplace la structure hyperbolique par une simple décomposition dominée.

L'an passé nous nous demandions si le Shadowing Lemma pouvait  être vérifié génériquement pour les dynamiques partiellement hyperboliques: nous savons a présent qu'il n'en est rien: voir 30.
 

Voici quelques unes des questions qui me semblent être abordables à présent, et dont la réponse permettrait de structurer les dynamiques génériques:

Problèmes:

  1.  Existe-t-il un équivalent (au moins générique) au théorème de decomposition spectral de la théorie de Smale ? On aimerait montrer que, en l'absence d'infinité de puits ou de sources, l'ensemble des points non-errant est l'union d'une famille finie d'ensembles disjoints transitif ayant une décomposition dominée. Une des difficultés consiste à définir la notion d'{\em ensembles transitifs maximaux} (deux ensembles transitifs disjoints ne sont pas a priori contenus dans un m\^eme ensemble transitif); voir \cite{B27} et \cite{B37} pour des premiers résultats dans cette direction.
  2. L'article \cite{BD} à mis en évidence un mécanisme semi-local permettant de construire des exemples  robustement transitifs. D\`\i az et Pujals conjecturent que ce mécanisme est nécessaire.  Pour cela l'une des clef consiste à comprendre topologiquement les feuilletages stable et instable forts:
  3. Montrer que,  C1-génériquement dans l'ensemble des difféomorphismes robustement transitifs, les feuilletages stable ou instable forts sont minimaux (toutes leurs feuilles sont denses). Nous avons pour l'instant des crière topologique permettant de prover cette minimalité modulo certaines hypthèse (du type "intégrabilité de la direction centrale).
  4. Quel serait l'équivalent des partitions de Markov pour les ensembles avec décomposi\-tion dominée ?
 Approche ergodique
Les travaux de Sinai Ruelle et Bowen dans les années 70 ont montré que les dynamiques hyperboliques admettent une famille finie de mesures de probabilité qui décrivent le comportement statistique de presque toutes les orbites, pour la mesure de Lebesgue.

Depuis quelques années J. Palis conjecture que ce résultat reste vrai pour une famille dense de dynamiques. Que cette conjecture soit vraie ou fausse, il me semble que le problème qu'elle pose est essentiel pour les systèmes dynamiques.
 

Avec Marcelo Viana, nous étudions l'existence de telles mesures SRB (pour Sinai Ruelle et Bowen), ainsi que la finitude et leur bassin d'attraction. Nous avons commencé notre étude par les ensembles partiellement hyperboliques, c'est-à-dire possédant une décomposition dominée o\`u l'un des deux fibrés invariant est uniformément hyperbolique (l'autre étant appelé {\em central}). Nous avons obtenu des réponses donnant un panorama presque complet, sous l'hypothèse que tous les exposants de Lyapunov sont de meme signe dans la direction centrale, pour un ensemble de mesure de Lebesgue positive de points:
 
 

  1.  En présence d'un fibré instable fort, si les exposants du fibré central sont plutôt négatif, 27 montre que les états de Gibbs du fibré instable sont les mesures SRB et sont en nombre fini.
  2. En présence d'un fibré stable fort, si le fibré central est plutôt dilatant nous montrons (avec Alves article 29) que l'on peut contruire des {\em états de Gibbs centre-instables}, et que ce sont les mesures SRB.
 

L'article 29 permet aussi, mais avec des hypothèses très restrictives, de traiter certains exemples d'ensemble avec décomposition dominée mais n'ayant aucun sous-fibré uniformément hyperbolique (donc pas partiellement hyperbolique).
Il est cependant assez facile de contruire des exemples partiellement hyperboliques ne possédant pas de mesures SRB. Nous pensons à présent essayer une méthode perturbative:
 

Problème:  Considèrons l'ensemble des difféomorphismes robustement transitifs, possédant
un fibré instable fort (avec peut-être une hypothèse sur la dimension de ce fibré relativement à la dimension du fibré central).  Existe-t-il une parttie dense formée des difféomorphismes possédant un nombre fini de mesure SRB telles que l'union de leurs bassins est de mesure de Lebesgue total dans la variété ?
 

L'une des difficultés pour ce problème consiste en le contrôle des exposants de Lyapunov dans la direction centrale. Un récent travail de Shub et Wilkinson, généralisé par Dolgopyat permet de perturber cet exposant central, en dimension trois, pour des systèmes préservant le volume et dont la direction centrale a dimension 1 (ceci leur permet de prouver la généricité de l' ergodicité stable, dans ce cadre. Malheureusement leurs technique semble difficile à adapter en dehors du cadre conservatif.  Avec M. Viana nous avons commencé une nouvelle approche: il s'agit d'adapter le célèbre théorème de Furstenberg pour le produit aléatoire de matrices au cadre des cocycles linéaires au dessus des systèmes hyperboliques. Un résultat récent de J. Bochi (étudiant de Viana) montre que, parmis les cocycles continus et non hyperboliques, l'existence d'exposants nuls est générique. Nos idées semblent pouvoir traiter le cas des cocycles différentiables tels que la dynamiques hyperbolique horizontale (de la base) domine la dynamique dans les fibres.